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Écologie humaine - Page 2

  • Le temps est supérieur à l’espace

    Blason Pape François.jpgEn chaque nation, les habitants développent la dimension sociale de leurs vies, en se constituant citoyens responsables au sein d’un peuple, et non comme une masse asservie par les forces dominantes. Souvenons-nous qu’ « être citoyen fidèle est une vertu, et la participation à la vie politique une obligation morale »[i]. Mais devenir un peuple est cependant quelque chose de plus, et demande un processus constant dans lequel chaque nouvelle génération se trouve engagée. C’est un travail lent et ardu qui exige de se laisser intégrer, et d’apprendre à le faire au point de développer une culture de la rencontre dans une harmonie multiforme.

             

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    Pour avancer dans cette construction d’un peuple en paix, juste et fraternel, il y a quatre principes reliés à des tensions bipolaires propres à toute réalité sociale. Ils viennent des grands postulats de la Doctrine Sociale de l’Église, lesquels constituent «  le paramètre de référence premier et fondamental pour l’interprétation et l’évaluation des phénomènes sociaux »[ii]. À la lumière de ceux-ci,  je désire proposer maintenant ces quatre principes[iii] qui orientent spécifiquement le développement de la cohabitation sociale et la construction d’un peuple où les différences s’harmonisent dans un projet commun. Je le fais avec la conviction que leur application peut être un authentique chemin vers la paix dans chaque nation et dans le monde entier.

     

    Le temps est supérieur à l’espace

              

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    Il y a une tension bipolaire entre la plénitude et la limite. La plénitude provoque la volonté de tout posséder, et la limite est le mur qui se met devant nous. Le "temps", considéré au sens large, fait référence à la plénitude comme expression de l’horizon qui s’ouvre devant nous, et le moment est une expression de la limite qui se vit dans un espace délimité. Les citoyens vivent en tension entre la conjoncture du moment et la lumière du temps, d’un horizon plus grand, de l’utopie qui nous ouvre sur l’avenir comme cause finale qui attire. De là surgit un premier principe pour avancer dans la construction d’un peuple : le temps est supérieur à l’espace.

             

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    Ce principe permet de travailler à long terme sans être obsédé par les résultats immédiats. Il aide à supporter avec patience les situations difficiles et adverses, ou les changements des plans qu’impose le dynamisme de la réalité. Il est une invitation à assumer la tension entre plénitude et limite, en accordant la priorité au temps. Un des péchés qui parfois se rencontre dans l’activité socio-politique consiste à privilégier les espaces plutôt que les temps des processus. Donner la priorité à l’espace conduit à devenir fou pour tout résoudre dans le moment présent, pour tenter de prendre possession de tous les espaces de pouvoir et d’auto-affirmation. C’est cristalliser les processus et prétendre les détenir. Donner la priorité au temps c’est s’occuper d’initier des processus plutôt que de posséder des espaces. Le temps ordonne les espaces, les éclaire et les transforme en maillons d’une chaîne en constante croissance, sans chemin de retour. Il s’agit de privilégier les actions qui génèrent les dynamismes nouveaux dans la société et impliquent d’autres personnes et groupes qui les développent, jusqu’à ce qu’ils fructifient en événements historiques importants. Sans inquiétude, mais avec des convictions claires et de la ténacité.

      

    Articles 220 à 223

    de l’Exhortation apostolique

    du Saint-Père François

    La joie de l’Évangile

    EVANGELII GAUDIUM

     

     


    [i] CONFERENCE DES ÉVÊQUES CATHOLIQUES DES ÉTATS-UNIS, Lettre pastorale Forming Consciences for Faithful Citizenship (2007), 13.

    [ii] CONSEIL PONTIFICAL JUSTICE ET PAIX, Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église, n. 161.

    [iii] Ici, deux de ces principes seulement sont repris.

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  • La vocation de la France

    la france,foi,Écologie humaineSi la vocation chrétienne de la France existe, si la France entre dans le plan de Dieu pour que l’Évangile soit annoncé aux nations et incarné en elles, cette vocation s’enracine sur une culture humaine qui est élevée, « assomptée » à un niveau supérieur, pénétrée par la grâce pour le service de la foi et de l’humanité.

    La France a été et demeure le « pays de l’homme ». Je veux dire par là un lieu ou les diverses dimensions de la créature humaine ont pu se déployer. L’homme y a été « découvert » en ses multiples aspects, cultivé, éduqué. En particulier dans sa capacité à réfléchir, à communiquer, à s’engager, à être reconnu dans sa dignité, à exercer sa liberté, à vivre dans la dignité. La France est un pays « anthropocentré ». Jean-Paul II l’a bien dit au Bourget en expliquant que les diverses traditions du pays avaient voulu « servir l’homme ». C’est vrai. L’humanité est belle, elle a été créée par Dieu, elle mérite d’être servie, ornée, embellie. On a donc exploré les diverses attitudes de l’homme face à lui-même, face aux autres, face à Dieu. La France est un pays de découvertes, mais le plus grand territoire à explorer, c’est nous-mêmes.

    Une vocation n’existe évidemment que référée à Dieu. Cette terre a été bénie par Dieu et elle l’est encore. L’homme est aimé par Dieu. Il vaut quelque chose. Il est même d’une immense grandeur puisque Dieu lui-même s’est fait homme. La France est un pays où l’homme a rencontré Dieu. Il l’a aimé et l’a servi avec beaucoup de courage. Les saints français sont des hommes et des femmes originaux et courageux.

    Ce service s’est effectué dans l’amour. La France est un pays où on a beaucoup aimé. On a aimé les hommes, les femmes, les enfants, Dieu, le Christ, la Vierge Marie, reine de ce pays depuis 1638. ON a aimé les lieux, la langue, les autres pays aussi, souvent, avec qui on a dialogué et dont on a reçu : que serions-nous sans l’Italie.

    Keyserling (Hermann Von Keyserling, Analyse spectrale de l’Europe, p.59) écrivait déjà au début du XXème siècle : « Or, aujourd’hui, point de doute, l’amour comme tel n’est plus à la mode, en Europe ; cette évolution a pu se produire parce que, dans son sens spirituel, l’amour est une œuvre d’art créée par des motifs spirituels qui ne furent pas toujours en vigueur. » Et en effet, la période qui suivit lui donna raison : le XXème siècle fut tout, sauf le siècle de l’amour. Pourtant la petite Thérèse de Lisieux avait montré, au début de cette période troublée, que le christianisme n’est que la religion de l’amour. Aujourd’hui un monde est à construire où à reconstruire. Si la France est « la fille aînée de l’Église » et l’« éducatrice des peuples », ce sont des leçons d’amour qu’elle doit donner :

             Le dernier asile de l’amour : Mais je ne puis pas terminer sans avoir examiné un tout autre problème qui assure peut-être à la France, par le seul fait qu’elle existe, ses plus grandes possibilités d’avenir. Le fait est que le monde qui naît court un grand danger dont la plupart ne semble même pas se douter, autrement ils ne vivraient pas en l’air comme ils le font. Ce danger c’est que l’amour risque de mourir sur terre.

    (Hermann Von Keyserling, Analyse spectrale de l’Europe, p.57)

     

    ***

     

             La vocation de la France, c’est d’être le pays de l’homme, de l’homme aimé par Dieu et par les autres, aimant Dieu et les autres. C’est une vocation universelle. L’histoire récente a réduit l’influence de la France, elle n’est plus le modèle de la civilisation. Mais cependant le charisme demeure, même s’il est en partie caché. Si la France redevenait elle-même, elle serait capable de parler à toutes les nations. Y a-t-il beaucoup de peuples qui portent en eux-mêmes ce charisme ? 

     

    BERNARD PEYROUS

    in Connaître et aimer son pays

     

    la france, foi, Écologie humaine 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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  • Les liens humains ont une nature qui résiste à l’arbitraire humain, à l’arbitraire des lois humaines

    POUR DÉFENDRE LA LOI NATURELLE 


    Pierre Manent.jpg« La notion de loi naturelle est aujourd’hui discréditée. Elle est pourtant indispensable pour donner sens au monde humain, et agir raisonnablement dans ce monde. L’idée aujourd’hui triomphante, l’idée flatteuse, exaltante et en même temps presque puérile, est que les êtres humains sont les auteurs exclusifs de la loi qui règle leur action. Celle-ci, dit-on, ne saurait s’appuyer sur aucune réalité indépendante de la volonté humaine, que ce soit Dieu ou la nature. Le progrès irréversible de l’homme moderne, pensons-nous, a consisté à passer de l’hétéronomie à l’autonomie, de la règle gagée sur autre chose que la volonté humaine à la règle résultant exclusivement de la volonté humaine. Or, tout cela qui aux yeux de beaucoup est l’évidence même, se révèle en réalité comme une construction d’une extrême fragilité.

     

    ON NE PEUT SE PASSER D’UNE RÉFÉRENCE À LA NATURE

    La première chose à remarquer est la suivante : ceux mêmes qui écartent, méprisent, ridiculisent la notion de nature comme norme de l’action humaine ne peuvent s’en passer. Il est impossible de commencer à dire quelque chose sur les êtres humains sans dire quelque chose sur leur nature. La philosophie individualiste des droits de l'homme, celle qui règne, et qui rejette avec tant de mépris la notion de loi naturelle, repose elle aussi sur une certaine idée de la nature humaine. Dire que nous sommes des individus titulaires de droits, c'est dire que ces droits nous appartiennent par nature, qu'ils ne résultent donc pas de l'arbitraire humain, et que nul arbitraire humain ne peut nous en priver. Ces droits nous appartiennent dès lors que nous naissons à la vie, et on ne peut nous les enlever qu’en nous enlevant la vie. Les droits de l’homme sont des droits naturels.

     

    LES LIENS HUMAINS NE SONT PAS MOINS NATURELS QUE LES ÊTRES HUMAINS

    En revanche, pour l’individualisme, et c’est sur ce point qu’il entend effectivement se séparer de toute idée de nature, les liens humains, eux, à la différence des droits, ne sont pas naturels. Ils sont artificiels, œuvres des hommes, que les hommes peuvent défaire après les avoir formés. Telle est donc la doctrine de l’individualisme moderne : les hommes sont des individus naturels qui nouent entre eux des liens artificiels. La divergence entre la doctrine individualiste et la doctrine catholique, qui toutes deux reposent également sur une certaine idée de la nature humaine, cette divergence réside en ceci que, pour la doctrine catholique les liens entre les êtres humains ne sont pas moins naturels que les individus eux-mêmes, et que donc, les liens humains aussi ont une nature qui résiste à l’arbitraire humain, à l’arbitraire des lois humaines.

     

    LA LOI EST LA RÈGLE QUI CONDUIT NOTRE NATURE VERS SON BIEN

    « C’est impossible ! » s’écrit l’individualisme régnant. « C’est impossible puisque les lois sont évidemment faites par les hommes ! ». Les lois sont faites par les hommes, certes. Mais elles ne sont pas faites dans le vide, elles ne sont pas faites pour rien, elles sont faites pour le bien des hommes. Et le bien des hommes ne peut être conçu sans référence à leur nature, à la nature humaine. Dès lors, qu’est-ce que la loi naturelle ? C’est la règle qui conduit notre nature vers son bien. Règle qui est découverte et éprouvée au cours de l’expérience humaine si du moins on prend la peine d’examiner celle-ci de la manière la plus lucide et la plus consciencieuse.

    La vie humaine est inintelligible si l’on n’y discerne pas les biens et les liens dans lesquels notre nature s’éprouve et se déploie. Liens familiaux, sociaux, politiques, religieux. Liens religieux : s’il y a un Dieu, Père des hommes, il faut bien qu’Il nous ait donné, qu’Il ait donné à notre nature les règles, les prises pour nous approcher de Lui. Liens sociaux et politiques : quoi de plus naturel que la sociabilité humaine, que le vivre ensemble amical. L’amitié est un lien et un bien inscrit dans notre nature. Liens familiaux : les êtres humains naissent et meurent et ils s’unissent pour faire des enfants. La naissance, la mort, la différence sexuelle et la différence des générations sont autant d’articulations naturelles du monde humains, naturelles puisque nous n’avons aucun pouvoir sur elles. Nous pouvons regimber, rêver, prétendre… la vie humaine continuera d’être ordonnée et de trouver sens selon la naissance et la mort et selon la différence des sexes et des générations.

     

    LES DROITS NE REMPLACENT PAS LES BIENS

    L’égalité des droits est précieuse car elle motive l’effort pour élargir le plus possible l’accès aux biens humains. Mais les droits ne remplacent pas les biens. Pour qu’il y ait des droits il faut qu’il y ait des biens. Et ces biens nous ne pouvons pas nous les donner à nous-mêmes, nous devons les recevoir de la nature. Nous pouvons choisir nos amis, mais la capacité d’être ami, nous la recevons de la nature et de l’amitié de son auteur. La tentation aujourd’hui est d’oublier que les biens humains sont reçus avant d’être voulus. La tentation aujourd’hui est de construire une immense machine, lois et techniques, qui distribuerait les biens comme si l’homme pouvait les produire, c’est-à-dire produire sa nature. Vaine entreprise qui ne peut amener qu’un ordre social parodique, mais sous la tyrannie de la loi, la générosité de la nature reste intacte. »

     

    Pierre Manent
    École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)

     

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  • C’est pour l’homme que la société doit être gouvernée

    « Un grand mouvement réveille la France depuis plus de six mois, avec la perspective de la mobilisation du dimanche 24 mars. Marqué par l’unité et la diversité, il est observé avec surprise dans toute l’Europe et au-delà. Les manifestations de masse de l’automne 2012 et du 13 janvier 2013, l’énorme bouillonnement des réseaux sociaux et la multiplication des réunions publiques et des échanges ont de quoi surprendre même leurs organisateurs. Ce mouvement est historique. Il traduit à nos yeux un questionnement massif, en rupture avec la pensée dominante :       que sommes-nous en train de faire de l’humanité ?

    Cette remise en cause s’est cristallisée autour du projet de loi dit du « mariage pour tous ». Mais il ne faut pas se leurrer : ce qui s’exprime désormais dans ce mouvement dépasse l’opposition à une loi ; il s’agit d’une revendication plus profonde, radicale. Elle concerne le sort de l’être humain dans la société contemporaine. Est-il un simple matériau, objet d’expérimentations techniques, sociales, économiques ou médicales ? Ou bien est-il la mesure de toute chose à laquelle s’ordonne et pour laquelle doit s’organiser la société ?

    Dès lors que l’homme n’est qu’un matériau, il est utilisé au nom de l’amélioration de la performance économique ou biologique pourvu que cela comble certains désirs ; le Parlement légifère sur la nature humaine au gré de groupes d’intérêts ou de théories qu’on nommera « sens de l’Histoire » ; les entreprises considèrent l’être humain comme une variable d’ajustement de l’efficacité ; les politiques environnementales en viennent à protéger la nature au détriment de l’homme. Le voilà soumis à la technologie, à ses rythmes et ses exigences, au mépris de sa dignité et de sa liberté. Alors que le mot « humanisme » est dans tous les discours, c’est aujourd’hui la nature de l’homme qui est attaquée.

    En s’emparant de la question du mariage et de l’engendrement, les manifestants ont affirmé que la personne humaine est la mesure de toutes choses. Y compris aux stades les plus vulnérables de son existence. Car l’humanité ne saurait être un problème à dépasser : c’est une espérance à accomplir. C’est pour l’homme que la société doit être gouvernée. Il est à nos yeux significatif que le projet de loi qui a fait naître pareille résistance soit marqué par la volonté de toute-puissance de ses promoteurs, à la fois sur le fond – le déni de la réalité de l’altérité homme-femme, du mariage et de l’engendrement – et sur la forme : le refus du véritable débat, jusqu’au rejet de la plus vaste des pétitions jamais enregistrées. Nos modes de coordination démocratique se révèlent donc incapables de prendre en compte des signaux majeurs, qui témoignent pourtant des préoc­cu­pa­tions existentielles d’un grand nombre de citoyens. Pire, la puissance publique est elle-même mobilisée au service d’un projet de dénaturation de la vie humaine.

    Il y a près d’un demi-siècle, l’écologie a émergé comme l’alternative au tout économique et à la mécanisation effrénée. Elle a donné l’espoir d’une société différente, plus respectueuse de la nature. Mais le statut de l’homme dans cette écologie est resté ambigu : en France, sa traduction politique a pu prendre des positions bioéthiques incohérentes. En raison des liens profonds et originels entre la vie humaine et cette nature, nous croyons toujours que la réconciliation entre la société contemporaine et la nature reste possible.

    Le temps est venu de construire tous ensemble un grand courant d’écologie humaine. Nous sommes devant une responsabilité historique vis-à-vis de nos contemporains comme des générations futures. Il s’agit de reconnaître que l’essence de l’homme et son humanité constituent un précieux patrimoine intergénérationnel. Accueillir ce patrimoine avec émerveillement, en prendre soin et le transmettre fait partie intégrante de l’écologie humaine. Métapolitique, comme le fut l’écologie environnementale à son émergence, elle est appelée à être prise en compte dans toutes les sphères de la société, à commencer par les partis politiques. Elle offre une alternative durable à la tenaille libérale-libertaire où l’humanité est broyée.

    L’homme est la seule mesure ! C’est pour lui que nous appelons aujourd’hui à la tenue des Assises de l’écologie humaine. Elles seront ouvertes à tous les citoyens qui affirment que le progrès de la technique, de l’économie, de la bioéthique ou des politiques environnementales doivent avoir pour seule justification le service de tout l’homme et de tous les hommes. »

    Pour en savoir plus, consultez le site http://www.ecologiehumaine.eu/

     

     

    Tugdual Derville, Pierre-Yves Gomez, Gilles Hériard Dubreuil

    Tribune collective de Tugdual Derville, fondateur de « À Bras Ouverts », délégué général d’Alliance Vita - Pierre-Yves Gomez, économiste, directeur de l’Institut français de gouvernement des entreprises/EM Lyon - Gilles Hériard Dubreuil, spécialiste de la gouvernance des risques technologiques, président du Fonds pour la culture démocratique.
    Publié dans le journal La Croix, le 21 mars 2013 

     

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  • Toutes sortes de choses qui étaient implicitement attachées à l’idée d’humanité disparaissent silencieusement : l'Écologie Humaine

    Le mouvement écologique est né d’une prise de conscience des impacts graves et irréversibles des activités humaines sur la nature. Lorsque nous disons "activités humaines", nous pensons à un certain mode de développement industriel et technologique qui s’est développé d’abord en Europe depuis environ deux siècles, puis dans le monde à travers différents systèmes politiques et aujourd’hui essentiellement dans un contexte libéral et financier mondialisé.


    UNE REMISE EN CAUSE NÉCESSAIRE

    Pour autant, le projet est-il de protéger la nature contre l’homme ? Lorsque nous affirmons que : "Nous croyons toujours que la réconciliation entre la société contemporaine et la nature reste possible", nous voulons affirmer notre conviction qu’il est possible d’inventer et d’expérimenter de nouvelles formes de vivre et de décider ensemble au plan local, national et international pour favoriser une relation harmonieuse entre les communautés humaines, leurs activités et la nature. En disant cela, nous sommes conscients des profondes remises en cause de nos modes de vie, de nos formes de confort, des formes de production et de consommation qui les caractérisent aujourd’hui. Mais notre conviction se fonde aussi sur l’existence de nombreuses innovations et initiatives sociales, professionnelles, coopératives, artistiques, inventions de nouvelles formes d’habitat, de production, d’échange, de mise en commun qui contribuent à renouveler la façon dont nous pouvons penser un mode de vie contemporain en harmonie avec la nature.

    Dès les débuts du développement industriel, les structures sociales et économiques traditionnelles ont été profondément ébranlées affectant gravement les conditions de vie et la dignité de nombreux êtres humains. Aujourd’hui, nous constatons encore chaque jour l’impact du développement de l’économie libérale mondialisée sur les communautés humaines dont la prise en compte rentre pleinement dans le champ de l’écologie humaine.

    PRENDRE LA MESURE DE LA MENACE QUI PÈSE SUR L’HOMME

    L’écologie humaine que nous souhaitons promouvoir veut en particulier et de façon spécifique mettre l’accent sur la menace qui pèse aujourd’hui sur la nature de l’homme. Cette fois-ci, la menace ne concerne pas seulement les plus vulnérables des hommes mais aussi l’humanité. C’est cette prise de conscience qui nous semble être en jeu dans le mouvement actuel en France, au delà du contexte politique et législatif. Lorsque les hommes ont mis le pied sur la Lune, ils ont tout à coup vu la Terre, notre biosphère, comme quelque chose de petit dans l’univers, de fragile. Aujourd’hui nous prenons conscience que toutes sortes de choses qui étaient implicitement attachées à l’idée d’humanité disparaissent silencieusement ; comme certains papillons qui ont progressivement disparu.

    Il nous semble important d’affirmer que cette menace, ces risques qui pèsent sur l’humanité sont la résultante d’un ensemble de micro-décisions et macro-décisions, souvent indépendantes, qui font que progressivement la notion d’humanité est altérée, remise en cause. Nous devons tous nous interroger sur notre façon de vivre, sur nos priorités, sur nos responsabilités à cet égard.

    Nous devons faire ensemble un état des lieux, nous interroger sur ce qu’est pour nous l’humanité, accueillir cette réalité qu’est l’humanité avec émerveillement (certains diront gratitude), nous interroger sur les conditions d’une humanité authentique, ce qui est durable dans cette notion et ce qui est plutôt le fait du temps, des préjugés. Il faut discerner ce que nous souhaitons préserver et transmettre aux générations qui nous succéderont. En particulier, dans une époque marquée par l’idéologie libérale et individualiste, nous devons nous interroger sur ce qui est commun dans la notion d’humanité. L’humanité est une réalité individuelle et collective. Nous ne pouvons pas seulement interroger nos désirs personnels, nous devons tous nous interroger à l’échelle de notre dimension d’humanité pour identifier ce que nous devons respecter et préserver ensemble pour sauvegarder cette humanité authentique. En tant qu’être humain, nous portons une responsabilité commune, nous avons la garde de l’humanité, nous ne pouvons pas nous contenter d’observer ce qui se passe et de constater passivement ce changement, nous devons prendre nos responsabilités. Il s’agit de s’opposer à l’obscurcissement de l’humanité.

    Notre propos à ce stade n’est pas d’imposer une voie ou une autre (la décroissance par exemple) mais de créer les conditions d’un débat ouvert entre différentes composantes sociales, différents écoles de pensée, différents groupes de recherche.

    REPENSER LA TECHNIQUE

    Il ne s’agit pas non plus de prendre position pour ou contre la technique. Nous souhaitons au contraire affirmer la nécessité de "repenser la technique" pour mettre celle-ci au service de l’homme au rebours de la situation présente qui voit l’homme asservi par le développement technique. Mais ceci nous conduit d’abord à interroger la justification de tel ou tel développement technique et les conditions de sa contribution au bien commun. Ce qui doit d’abord être questionné c’est le projet de ceux qui cherchent à imposer un développement technique pour servir des enjeux qui n’ont rien à voir avec le bien commun.

    VERS UNE NOUVELLE ÉCOLOGIE

    Lorsque nous indiquons que "Dès lors que l’homme n’est qu’un matériau (…) les politiques environnementales en viennent à protéger la nature au détriment de l’homme", nous souhaitons souligner l’ambiguïté du statut de l’homme et de l’humanité dans le mouvement actuel de l’écologie. Il est bien connu que certains courants, comme celui de l’écologie profonde, mettent la priorité sur la défense de la biosphère sans donner de statut particulier à l’homme, et même, dans certains cas, voient dans l’homme la principale menace contre la nature. Par ailleurs, les politiques publiques environnementales se situent dans une logique d’instrumentation de l’action humaine qui vise à orienter cette action humaine par la contrainte réglementaire, ou par l’incitation économique (où chacun agit dans son intérêt privé pour servir une priorité qui est déterminée par d’autres). Dans ces politiques, il ne s’agit pas de créer les conditions pour que les hommes reconnaissent la nature comme un bien commun et agissent individuellement et ensemble pour en prendre soin. N’est-ce pas d’ailleurs la même logique qui risque de conduire la loi Peillon à promouvoir une véritable morale d’Etat qui est censée se substituer à la morale commune dans une défiance profonde vis-à-vis des parents et des valeurs qu’ils souhaitent transmettre à leurs enfants ? Ce n’est peut-être pas son intention, mais c’est ce que certains en déduisent.

    « LA PUISSANCE NAIT DU RASSEMBLEMENT DES HOMMES »

    Le courant de l’écologie humaine dont nous accompagnons la naissance nous semble devoir se situer dans une logique coopérative. Nous souhaitons d’abord lancer un appel à l’initiative de pensée, de dialogue, d’action, locale, nationale, internationale, sectorielle, globale, de tous ordres. Comme le dit Hannah Arendt : "La puissance nait du rassemblement des hommes". Il faut d’abord nous rassembler et construire ce qui nous est commun. Dans cette première étape d’état des lieux, il ne s’agit pas de chercher un consensus mais de croiser la pluralité des regards, des sensibilités des différentes composantes humaines qui souhaiteront s’engager dans ce mouvement, sans préjudice de leur propre position. L’image est celle d’une ruche neuve et vide posée par l’apiculteur à côté d’un essaim sauvage qui vient alors s’installer et s’auto-organiser dans cet espace.

    GILLES HERIARD DUBREUIL de l'Écologie Humaine
    http://www.ecologiehumaine.eu/gilles-heriard-dubreuil/ 

     

     

     

     

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